La dégénérescence maculaire liée à l’âge est une « maladie dégénérative rétinienne chronique, évolutive et invalidante, qui débute après l’âge de 50 ans. Elle atteint de manière sélective la macula en provoquant une dégénérescence des cellules visuelles rétiniennes ».

On décrit trois formes, une forme précoce et deux formes évolutives :

  • forme précoce (environ 40% des cas), caractérisée par la présence de drusen.
  • forme atrophique (environ 40% des cas), caractérisée par des altérations de l’épithélium pigmentaire et un amincissement de la macula consécutif à l’évolution des drusen ; son évolution est lente sur des années.
  • forme exsudative (environ 20% des cas), caractérisée par le développement de néovaisseaux choroïdiens sous la macula ; l’évolution de cette forme peut être très rapide, faisant perdre la vision centrale (AV < 1/10) en quelques semaines ou mois. 

On parle maintenant plutôt de : 

  • maculopathie liée à l’age (MLA) au stade précoce,
  • dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), ou encore DMLA « symptômatique» ou DMLA évoluée pour les formes atrophiques et exsudatives.

Prévalence

La DMLA est la première cause de malvoyance après 50 ans dans les pays industrialisés. La prévalence globale de la maladie est de 8% après 50 ans, soit environ 1,5 million de personnes en France : – 600.000 MLA, – 900.000 DMLA. Cette prévalence globale augmente avec l’âge : – de 1% avant 55 ans, elle passe progressivement à – 25% après 75 ans. Dans une étude européenne récente (étude Eureye, 2006) la fréquence de la DMLA « symptomatique» (formes atrophiques et exsudatives) est d’environ: – 1% entre avant 70 ans, – 3% entre 70 et 80 ans, – 12% après 80 ans.

Facteurs de risques

Hormis l’âge, certains facteurs de risque ont été incriminés.
Parmi eux, deux jouent un rôle important : 

1. Hérédité :
Les facteurs héréditaires jouent un rôle important dans la DMLA :

  • des antécédents familiaux multiplient le risque de DMLA par 3.
  • on a identifié plusieurs gènes associés à la DMLA, mais également des gènes « protecteurs». 

2. Tabagisme +++ :
Il augmente le risque de DMLA par 3, et même par plus de cinq chez le très grand fumeur.
Ce risque persiste plusieurs années après l’arrêt du tabagisme. 

D’autres facteurs autrefois évoqués comme la coloration de l’iris, l’exposition aux UV, les facteurs de risque cardiovasculaires ne semblent pas jouer de rôle.

Diagnostic

1. Circonstances de découverte

  • Baisse progressive de l’acuité visuelle de loin et de près, correspondant à l’aggravation lente des lésions (drusen, forme atrophique),
  • Baisse brutale de l’acuité visuelle associée à des métamorphopsies (++++) = sensation de déformation des objets (le patient décrit souvent la vision ondulée des lignes droites) ; baisse de vision brutale et métamorphopsies sont liées le plus souvent à l’apparition de néovaisseaux choroïdiens, responsables d’une exsudation et de l’accumulation de liquide au niveau de la macula,
  • Scotome central, correspondant aux stades très évolués des formes atrophiques et exsudatives 

2. Examen clinique

  1. mesure de l’acuité visuelle : elle est mesurée séparément à chaque œil, avec correction optique si nécessaire, de loin et de près ; il existe souvent de façon précoce une baisse de l’acuité visuelle de près associée à la baisse de vision de loin, ce qui oriente vers une affection maculaire.
  2. recherche d’un scotome central ou de métamorphopsies qui peuvent être objectivés en présentant au patient une grille d’Amsler, constituée d’un quadrillage régulier.
  3. examen du fond d’œil : l’examen biomicroscopie du fond d’œil pratiqué à la lampe à fente, après dilatation pupillaire, avec un verre de contact recherche (voir plus loin formes cliniques) :

    1. la présence de drusen (MLA),
    2. des zones d’atrophie de l’épithélium pigmentaire (forme atrophique),
    3. des hémorragies, des exsudats profonds («exsudats secs») , un œdème maculaire et/ou un décollement exsudatif de la macula, témoins d’une forme exsudative. 

3. Angiographie du fond d’œil
C’est la prise de clichés du fond d’œil après injection intraveineuse d’un colorant fluorescent ; dans la DMLA, l’examen comporte le plus souvent une angiographie fluorescéinique et une angiographie au vert d’indocyanine (cf. le chapitre SÉMIOLOGIE OCULAIRE).

  • l’angiographie fluorescéinique explore la vascularisation rétinienne, mais ne visualise pas correctement la choroïde ; elle permet de mettre en évidence et de localiser par rapport à la fovéola les néovaisseaux choroïdiens peu profonds, qui apparaissent bien définis. Elle est pratiquée après une préparation anti-allergique de trois jours en cas d’antécédents allergiques.
  • l’angiographie en infrarouge au vert d’indocyanine permet par sa pénétration plus profonde une exploration de la choroïde : elle visualise mieux les néovaisseaux profonds, moins bien définis sur l’angiographie fluorescéinique. 

4. Tomographie à cohérence optique: (Optical Coherence Tomography ou OCT ; voir le chapitre SÉMIOLOGIE OCULAIRE). L’OCT permet de visualiser les néovaisseaux choroïdiens mais surtout les signes associés, notamment œdème maculaire ou décollement de rétine maculaire et d’en apprécier l’évolution après traitement.

Formes cliniques

Forme précoce (MLA) = drusen (40%)

Le premier signe clinique est l’apparition de précurseurs, les drusen ; les drusen sont dus à l’accumulation de résidus de la phagocytose des photorécepteurs par les cellules de l’épithélium pigmentaire. Au fond d’œil ils apparaissent comme de petites lésions profondes, blanchâtres ou jaunâtres, de forme et de taille variables.

Forme atrophique (40%)

La forme atrophique (souvent dénommée dans le langage courant, notamment par les patients, « forme sèche»), est caractérisée histologiquement par la disparition progressive des cellules de l’épithélium pigmentaire. Cette perte s’accompagne d’une disparition progressive des photorécepteurs sus-jacents et de la choriocapillaire sous-jacente. Elle se traduit à l’examen du fond d’œil par des plages d’atrophie de l’épithélium pigmentaire au sein desquelles les gros vaisseaux choroïdiens deviennent anormalement visibles ; cet aspect est retrouvé à l’angiographie du fond d’œil. Elle évolue inexorablement, mais de façon très progressive, vers une extension des lésions qui vont englober la fovéola et entraîner une baisse d’acuité visuelle sévère avec scotome central.

Forme exsudative (20%)

La forme exsudative (souvent dénommée dans le langage courant, notamment par les patients, «forme humide»), est liée à l’apparition de néovaisseaux de siège sous-rétinien ; il s’agit de néovaisseaux issus de la choroïde (on parle de néovaisseaux choroïdiens) qui se développent sous l’épithélium pigmentaire et/ou franchissent l’épithélium pigmentaire et se développent directement sous la rétine maculaire. Cette néovascularisation choroïdienne entraîne un œdème intra rétinien, des hémorragies et un décollement maculaire exsudatif, responsable de la baisse d’acuité visuelle et des métamorphopsies d’apparition brutale. La forme exsudative de la DMLA est nettement moins fréquente que la forme atrophique mais entraîne les complications fonctionnelles les plus sévères : en absence de traitement, l’exsudation à travers les néovaisseaux choroïdiens entraîne rapidement une destruction des photorécepteurs, responsable d’une baisse d’acuité visuelle sévère et d’un scotome central définitifs.

La survenue brutale de métamorphosies et/ou d’une baisse d’acuité visuelle justifient ainsi un examen ophtalmologique en urgence (moins de 48 heures) afin de dépister d’éventuels néovaisseaux choroïdiens et de pouvoir les traiter le plus précocement possible.

Traitement

Forme précoce

Aux stades précoces (drusen), une étude randomisée menée sur un grand nombre de patients, l’étude AREDS (Age Related Eye Disease Study) a montré l’effet bénéfique sur l’évolution d’un traitement associant anti-oxydants et supplémentation vitaminique (association de vitamine E, vitamine C, zinc et bêta-carotène), commercialisé en France sous différentes préparations. Le bêta-carotène a par la suite été supprimé du fait du risque de cancer bronchique chez les fumeurs et anciens fumeurs.
De nombreuses spécialités reproduisent ce schéma et incluent également d’autres agents protecteurs dont l’effet est suggéré par les résultats de plusieurs études épidémiologiques ; il s’agit principalement :

  • des Omega 3,
  • des pigments maculaires. 

Forme atrophique :

Il n’existe actuellement aucun traitement médical ayant démontré son efficacité dans la forme atrophique de la DMLA, dont l’évolution se fait inexorablement vers la constitution d’un scotome central. Lorsque la baisse de l’acuité visuelle est sévère, doit être proposé au patient une rééducation orthoptique et des aides visuelles (voir plus loin). 

Forme exsudative :

Le traitement de la forme exsudative de la DMLA a pour but la destruction de la membrane néovasculaire choroïdienne. Les possibilités thérapeutiques dépendent de la localisation des néovaisseaux choroïdiens :  

1. dans le cas de néovaisseaux rétro-fovéolaires : injection intraoculaires d’anti-VEGF

Dans la famille du VEGF, le VEGF-A est un facteur majeur du développement de néovaisseaux choroïdiens. Ceci a amené à développer récemment différentes molécules anti-VEGF-A ; on dispose actuellement de deux anti-VEGF ayant obtenu l’AMM et le remboursement dans le traitement de la DMLA exsudative : 

  • le Lucentis® (ranizibumab).
  • l’Eylea (aflibercept)

Pour agir de façon efficace sur les néovaisseaux choroïdiens, ces deux anti-VEGF doivent être administrés par voie intraoculaire (« injections intravitréennes»). Il s’agit d’un geste relativement simple, pratiqué de façon courante ; il est réalisé en ambulatoire sous simple anesthésie topique, mais dans des conditions strictes d’aseptie ; il comporte un risque peu élevé de complications (<1%).
Le traitement comporte avec l’un comme avec l’autre des deux anti-VEGF des injections intravitréennes répétées à plusieurs reprises à des intervalles d’environ un mois.

2. Dans le cas de néovaisseaux extra-fovéolaires : destruction des néovaisseaux par photocoagulation au laser

Elle ne peut être réalisable qu’en cas de néovaisseaux maculaires mais restant extrafovéolaires (la photocoagulation entraînant sinon une destruction des cônes fovéolaires et un scotome central immédiat et définitif avec baisse d’acuité visuelle sévère) : dans ces cas favorables, le traitement, tout en respectant la fovea, permet la réapplication du décollement de rétine maculaire, une disparition des métamorphopsies et une préservation de l’acuité visuelle. Les néovaisseaux extra-fovéolaires, accessibles à ce traitement, ne représentent malheureusement qu’une très petite minorité de cas.

Rééducation et aides visuelles

Quand les autres traitements n’ont pas permis la conservation d’une acuité visuelle satisfaisante, notamment de près, il faut proposer aux patients une rééducation et des aides visuelles :
– la rééducation orthoptique a pour objectif d’appendre au patient à utiliser la rétine située en dehors de la lésion (néovaisseaux choroïdiens étendus ou DMLA atrophique).
– les aides visuelles, systèmes grossissants optiques ou électroniques peuvent améliorer les résultats obtenus par la rééducation orthoptique. 

Rééducation orthoptique et aides visuelles ont cependant des limites, et idéalement de nombreux patients devraient être prise en charge par des équipes pluridisciplinaires associant ophtalmologiste, orthoptiste, opticien, ergothérapeute, psychologue et personne chargée des activités de la vie quotidienne, mais il n’existe en France que très peu de tels centres.

AUTOSURVEILLANCE : Grille d’Amsler
Test à effectuer Œil par œil, avec ses lunettes de près, a la distance habituelle de lecture.
Fixez le point situé au milieu de la grille.

Si les lignes apparaissent déformées ou si une tache sombre apparaît, consultez rapidement un ophtalmologiste.